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En 2023 et 2024, deux projets de recherche ont exploré comment la métabolomique (science qui analyse les petites molécules, appelées métabolites, présentes notre corps), pourrait contribuer à prédire l’invasion des ganglions lymphatiques chez les patientes atteintes de cancer du sein. L’envahissement ganglionnaire est un critère pronostic et décisionnel dans la prise en charge des patientes.

En effet, si le cancer est présent dans les ganglions lymphatiques, cela indique que les cellules cancéreuses ont commencé à se propager au-delà du site initial de la tumeur. L’obtention d’un score prédictif d’envahissement ganglionnaire permettrait d’optimiser la prise en charge chirurgicale et de mieux cibler les traitements post-chirurgie (chimiothérapie ou hormonothérapie notamment).

Interview Dr Caroline Bailleux

Oncologue médical
Responsable de l’étude

Quel public de patients est concerné par l’étude Métabopredict ?

Cette étude concerne des patientes atteintes d’un cancer du sein non métastatique, en contexte localisé ou localement avancé, avec un risque de récidive intermédiaire.

Pouvez-vous présenter en quelques mots l’équipe qui travaille avec vous sur ce projet ?

L’étude repose sur une équipe pluridisciplinaire avec principalement le Laboratoire de recherche TIRO (Transporteurs en Imagerie et Radiothérapie en Oncologie) de l’Université Côte d’Azur, les équipes du Centre, notamment le Département d’Epidémiologie, de Biostatistiques et des Données de Santé (DEBDS), l’équipe du Laboratoire d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, l’équipe du Centre de Ressources Biologiques qui nous aide pour la réalisation d’un point de vue réglementaire, et enfin le Département de la Recherche Clinique et de l’Innovation (DRCI) pour tout ce qui concerne les appels à projets et la coordination du projet. En 2024, j’ai également encadré deux étudiantes, une en Master 1 qui a pu rejoindre l’équipe pour un stage de 6 mois financé par le Centre Antoine Lacassagne ainsi qu’une étudiante en Master 2, financée par le Laboratoire TIRO.

L’étude repose sur des analyses à la fois biologiques et moléculaires mais aussi sur de l’analyse de data via notamment l’Intelligence Artificielle, ce qui n’est pas forcément banal, pouvez-vous nous dire en quoi cette combinaison de données est-elle efficace (ou peut-elle le devenir) ?

La métabolomique à laquelle nous nous intéressons, implique d’analyser des milliers de métabolites que nous ne pouvons pas analyser un par un, à l’échelle humaine c’est impossible. L’IA est donc un atout essentiel et un véritable outil d’analyse de données multiples, de grande échelle.

Où en est l’étude aujourd’hui ? Des premiers résultats peuvent-ils être mis en avant ?

Nous venons de terminer la phase dite “préliminaire” grâce au travail mené cette année par nos deux étudiantes stagiaires, chacune positionnée sur deux axes différents et dont les résultats mettent en avant des données de prédiction très prometteuses pur l’avenir même si un long travail reste encore à mener.

La première étude a identifié 71 métabolites dont certains interviennent dans l’échappement immunitaire ou le détournement énergétique. Un score, établi à partir de 13 de ces métabolites, a montré un pouvoir prédictif dans l’envahissement ganglionnaire. Si cette prédiction se confirme, cela pourrait permettre une personnalisation plus efficace de la prise en charge avec des possibilités d’escalade et de désescalade thérapeutique.

La deuxième étude a montré qu’un score composite, combinant des données de métabolomique (les métabolites) et de protéomique (les protéines) améliore la capacité de prédiction de l’invasion des ganglions lymphatiques. Cela signifie qu’en regardant à la fois les métabolites et les protéines, via les signatures moléculaires, nous pourrions mieux définir le stade d’avancement du cancer. Par contre, l’ajout de données cliniques (comme les symptômes ou les antécédents médicaux) ne permettait pas l’amélioration de la précision, probablement parce que ces données étaient en quantité insuffisante dans les études.

Quelles sont les prochaines étapes ?

La prochaine étape serait de valider cette étude grâce à une publication scientifique pour pouvoir s’orienter vers une étude avec une population plus importante.

L’ultime étape serait de faire une étude clinique prospective sur des patientes volontaires en ne leur prescrivant pas les traitements de type chimiothérapie ou hormonothérapie renforcée en fonction des résultats de la chirurgie, mais en fonction de notre score prédictif, et d’évaluer l’impact sur les données de survie.

In fine, quel sera le bénéfice pour les patientes ? Quelle différence de prise en charge et/ou de traitement par rapport à aujourd’hui et quel impact sur la prévention des récidives ?

Si ces recherches se confirment, elles pourraient mener à des outils diagnostique plus précis pour prédire si un cancer du sein va envahir les ganglions lymphatiques. Cela pourrait transformer la manière dont les traitements sont choisis, en rendant les sois plus personnalisés (accès à des thérapies ciblées) et potentiellement plus efficaces, tout en réduisant les traitements inutiles et leurs effets secondaires.

En somme, ces avancées pourraient améliorer la qualité de vie et les perspectives de guérison pour les patientes atteintes de cancer du sein.