Guérir par radiothérapie de contact et sans opération les petits
cancers du rectum : une étude Européenne pilotée par le Centre de Lutte
Contre le Cancer Antoine Lacassagne à Nice démontre que c’est possible
Samedi 4 juin au Congrès de l’American
Society of Clinical Oncology (ASCO) à Chicago, congrès réunissant tous les
spécialistes mondiaux en cancérologie, le Pr Jean-Pierre GERARD,
Radiothérapeute au Centre Antoine Lacassagne de Nice a présenté les résultats
de l’essai OPERA démontrant qu’en complétant la radiothérapie externe par de la
radiothérapie de contact dans le traitement des cancers du rectum, on pouvait
atteindre 90% de guérison avec une fonction intestinale normale notamment pour
les tumeurs de moins de 3 cm.
Le
traitement standard des cancers du rectum est la chirurgie radicale enlevant
tout le rectum, nécessitant parfois une colostomie (poche) définitive. Cette
opération est souvent précédée de radiochimiothérapie. Ce cancer rectal est
souvent diagnostiqué lors de la survenue de sang dans les selles. La coloscopie
permet de voir la tumeur, de faire la biopsie qui confirme l’adénocarcinome.
Divers examens dont l’IRM et l’échographie endorectale classent la tumeur en
fonction de son extension : T1 (très petit), T2 T3ab < 5cm (précoce) ou
≥ T3c ≥5cm (tumeur avancée).
La radiothérapie est l’arme essentielle,
volontiers associée à une chimiothérapie, pour tenter de stériliser ces cancers
précoces du rectum. Pour éviter les
complications des rayons la radiothérapie externe (accélérateurs linéaires)
doit limiter sa dose à 50 ou 60 Gy en 5 semaines. Avec cette dose on peut
obtenir une disparition de la tumeur (endoscopie) dans 40 % des cas et sur le
long terme environ un tiers des patients est guéri sans chirurgie. Cette
approche est proposée depuis 15 ans par A Habr Gama, chirugien à Sao Paulo,
sous le nom de « Watch and Wait ».
Une étude Européenne (OPERA :
organpreservation in Early rectal adenocarcinoma) présentée lors du congrès de
l’ASCO à Chicago le 4 juin 2022 démontre qu’en complétant la Radiothérapie
externe par une radiothérapie de Contact endocavitaire en 3 séances
ambulatoires de 5 minutes chacune on pouvait atteindre (avec un recul de 3ans)
90% de guérison avec une fonction intestinale normale notamment pour les
tumeurs de moins de 3 cm. Cette radiothérapie de contact mise au point par Jean
Papillon à Lyon dans les années 1970 est utilisée au Centre Lacassagne depuis
20 ans.
L’essai
OPERA a impliqué 3 centres français (Nice, Lyon, Mâcon), 4 centres anglais et
un centre suisse. Par tirage au sort, entre 2015-2020, 141 patients ont été
traités, soit selon le protocole Habr Gama, soit par le même protocole mais en
ajoutant 3 séances de radiothérapie de contact. Sur l’ensemble des malades,
ceux ayant bénéficiés de radiothérapie de contact ont pu conserver un rectum
normal dans 80% des cas (contre 59% sans radiothérapie de contact) et si ces
tumeurs T2-T3ab étaient inférieures à 3 cm, 30 sur 31(>90%) sont en vie à 3
ans sans opération, sans toxicité importante et avec une fonction intestinale
satisfaisante.
« Cette
possibilité, grâce à cette radiothérapie de contact, de guérir les cancers
précoces du rectum sans chirurgie est une révolution dans les pratiques
médicales » explique le Pr
Jean-Pierre GERARD. « Elle est pratiquée à Nice depuis plusieurs années, mais il
manquait la « preuve scientifique » de son efficacité. C’est chose
faite depuis la publication de l’essai OPERA. Il faut bien sûr modération et
rigueur gardées. Seuls peuvent bénéficier de ces traitements conservateurs des
patients « bien sélectionnés ». »
« Les spécialistes Azuréens (gastro-entérologues, chirurgiens, oncologues) qui prennent en charge les cancers du rectum connaissent bien cette radiothérapie de contact utilisée depuis longtemps sur Nice. Environ 10% des cancers du rectum peuvent désormais en bénéficier avec des preuves solides de son bon rapport bénéfice/risque. Une action concertée entre spécialistes, déjà fort développée en PACA, devrait permettre un accès rigoureux et rationnel à cette innovation au service des patients et de leur qualité de vie. Cette approche conservatrice s’inscrit totalement dans le projet national de « désescalade » dans la prise en charge des cancers promu actuellement par le gouvernement. »
Article Nice-Matin